Fontaine-lès-Dijon dans Le Bien public de 1960

En 1960, les prix indiqués sont libellés « NF » car le nouveau franc est entré en vigueur le 1er janvier. En effet, le rétablissement de la situation monétaire de la France a été rendu urgent par son entrée dans le marché commun en 1957, afin d’éviter qu’une monnaie trop faible ne pénalise le pays face à la concurrence allemande. Dans cette optique, une des dispositions phares du général de Gaulle est la création du franc lourd qui divise les prix par 100. Tandis que cette mesure portée par le ministre des finances Antoine Pinay ouvre la voie à une prospérité croissante, Fontaine continue à voir les besoins résultant de l’évolution dynamique de la population s’amplifier, sans pouvoir apporter de réponse immédiate. Certes, la commune poursuit ses travaux d’équipements scolaires aux Carrois et aux Saverney, mais le développement des autres infrastructures nécessaires pour s’adapter au rythme de l’expansion de la population est d’autant plus lent qu’il relève de régimes administratifs, techniques et financiers distincts. Dans les rapports sommaires de deux comptes-rendus municipaux, la litanie est longue des démarches entreprises pour hâter l’amélioration de la distribution électrique, de l’alimentation en eau potable, de l’éclairage public, l’établissement d’égouts, la création d’un service de bus desservant la rue faubourg Saint-Martin, la construction du boulevard extérieur… Il faudra souvent attendre plus d’une décennie avant d’obtenir un début de réalisation.

L’augmentation de la population va également de pair avec l’accroissement du trafic routier. Dans la commune, les accidents se multiplient et un arrêté est pris pour limiter la vitesse à 40 km/h pour les véhicules à moteur et 20 km/h pour celle des bicyclettes, mais tolère une vitesse de 60 km/h rue du faubourg Saint-Martin… La signalisation routière est renforcée et, dans le village, des bandes jaunes continues sont tracées pour marquer l’axe de la chaussée, les rues n’étant pas à sens unique. En 1971, elles changeront de couleur pour se mettre en conformité avec la norme européenne.

Des colis continuent à être envoyés aux appelés d’Algérie mais le Bien public passe sous silence le conseil municipal du 30 janvier 1960, si bien que le vote de confiance à l’unanimité adressé au président de la République par le conseil municipal présidé par le maire Léonce Lamberton, pour rétablir l’ordre et faire respecter par tous l’autorité de l’État, n’est pas rapporté. Cette adresse trouve son origine dans les journées insurrectionnelles qui portent le nom de « semaine des barricades ». En effet, après la reconnaissance le 16 septembre 1959 du droit à l’autodétermination du peuple algérien, des ultras de l’Algérie française ont organisé à partir du 24 janvier des manifestations de protestation au cours desquelles des barricades ont été dressées. Des coups de feu ont été échangés, faisant 22 morts et 147 blessés parmi la foule et les forces de l’ordre. Deux jours avant le conseil municipal, le général de Gaulle en uniforme, avait fait une allocution télévisée où il appelait l’armée à ne pas se joindre aux insurgés qu’il condamnait.

En marge de ces événements, une photo parue en première page du Bien public du 18 janvier 1960 illustre le plaisir dominical de lugeurs et de patineurs sur la mare de Fontaine car une vague de froid courte mais intense a transformé la mare en patinoire naturelle. Cependant, la météo de cette année n’a pas laissé que de bons souvenirs, en octobre, une subvention votée par le conseil municipal pour venir en aide aux sinistrés des inondations rappelle que les pluies tombées sur l’ouest du Massif central ont provoqué des crues sans précédent qui ont fait 20 morts, 30 000 sinistrés et des dégâts matériels considérables.

Parmi les évènements qui ont marqué l’année à Fontaine, la mesure prise en 1956 par Électricité de France d’établir une tension de distribution de 220 volts sur tout le territoire, pour garder la même intensité et permettre de transporter une puissance double dans la même unité de temps, arrive à exécution à Fontaine. Elle entraîna la modification ou l’échange de certains appareils électriques à titre gratuit pour les usagers. Un recensement des appareils en cause fut effectué par des électriciens. À cette époque, les Fontainois comme les autres Français étaient moins équipés en appareils ménagers que les Américains qui, en partie pour cette raison, ont conservé le 110 volts…

Sigrid Pavèse

Visite – Conférence

Église Saint-Bernard. Viltrail de saint Bernard et la Vierge. Détail.© Jacky Boilletot

 

Les vitraux de l’église Saint-Bernard et de l’oratoire de Béthanie à Fontaine-lès-Dijon.

Visite-conférence de Françoise Perrot.
Samedi 22 avril 2023,

Rendez-vous à 14 h 30, place des Feuillants

Les conscrits de la classe 1957 à Fontaine-lès-Dijon

 

En haut de gauche à droite : Jean Bernard, Maurice Taisant (Hauteville), Gilbert Ciccardini, Georges Buteau.

En bas, de gauche à droite : Michel Parot, Jean Aubrun, Charles Buteau. Collection Jean Aubrun.

 

 

Cette photo prise en novembre 1956 montre les six conscrits fontainois de la classe 1957, auxquels s’ajoute un Hautevillois. Le 27 novembre 1956[1], les jeunes gens s’étaient retrouvés dans la cour de l’hôtel de ville de Dijon, avant de pénétrer dans la grande salle du conseil de révision où se tenaient, assis derrière une table, des militaires, des médecins et les autorités municipales des communes concernées avec, pour Fontaine, le maire Léonce Lamberton et le premier adjoint, Joseph Bajotet. Là, ils avaient subi les examens réglementaires et tous avaient été déclarés « bons pour le service ».  Pour chacun d’eux et malgré des perspectives angoissantes, il y aurait eu une sorte de sentiment de déshonneur à ne pas être pris, et ce fut dans un joyeux brouhaha que s’était effectuée la sortie, vers midi. Dans la rue, ils étaient attendus par des forains qui avaient installé leurs baraquements pour leur vendre des insignes tricolores indiquant leur aptitude au service armé. Arborant, épinglées à la poitrine, de multiples cocardes, la petite équipe avait posé dans le square des ducs comme on le voit ci-dessus, puis elle avait pris la direction des cafés où le maire de la ville, le chanoine Kir, était venu les saluer…

Le lendemain avait débuté la « tournée » pour visiter les maisons et ramasser les fonds nécessaires à l’organisation du « banquet de la classe ». Durant plusieurs jours, à bord d’une voiture de 1938 qui avait remplacé la carriole en usage les années précédentes, une bande de joyeux lurons curieusement accoutrés, formée par les conscrits, les sursitaires et les « bleus » de la classe à venir, avait respecté la tradition en défilant  bruyamment dans les rues de Fontaine et d’Hauteville, fêtant leurs 20 ans dans une cacophonie de cris, de sifflets, de trompettes, de clairons et du trois tons qui avait pris la place du klaxon, le tout dans une atmosphère de beuverie alimentée par le petit blanc de pays, servi généreusement par les vignerons du terroir qui les accueillaient à bras ouverts… Avant de rejoindre le samedi 5 janvier 1957 l’hostellerie de l’Étoile, rue Marceau à Dijon, le petit groupe s’était rendu aux monuments aux morts d’Hauteville et de Fontaine pour déposer une gerbe et respecter une minute de silence observée avec gravité car les étourdissements de la fête ne pouvaient faire oublier la perspective de devoir partir en Algérie pour des « opérations de maintien de l’ordre ». Après les agapes dijonnaises, les réjouissances s’étaient poursuivies à Fontaine avec le bal donné dans la salle Guy, qui se trouvait à l’étage du café de la place du Perron. Cette tradition des conscrits fut une des dernières qui eut lieu à Fontaine. En 1960, elle avait disparu.

Dans ce rite de passage vers l’âge adulte qui permettait de se défouler, une relation étroite s’était créée entre ces jeunes gens nés la même année. Les temps forts vécus ensemble pendant les festivités avaient été une expérience humaine qui avait cimenté cette communauté de jeunes hommes. Quelques mois après ces festivités, et malgré les cierges qu’ils avaient brûlés dans la chapelle Saint-Bernard pour ne pas avoir à rejoindre les unités combattantes en Algérie, ils durent tous aller servir en Algérie. Ils furent libérés au bout de 28 mois pour les simples soldats, et 30 mois pour les sous-officiers comme Jean Aubrun, mais plus de 15 000 appelés et conscrits comme eux, n’eurent pas la chance de revenir.                                                                                               Sigrid Pavèse

 

[1] AUBRUN (Jean), Qui m’a volé mes vingt ans ? Edilivre, 2018.

Le bénaton

Noël Nicolle avec un bénaton sur l’épaule. Sans date. Collection Marie-Noëlle Nicolle.

Sur cette photo, Noël Nicolle (1919-2004) pose devant l’objectif avant d’aller verser le contenu du bénaton[1] qu’il tient posé sur l’épaule, dans la ballonge, cette cuve dont on aperçoit une partie sur la « bréarde », c’est-à-dire la voiture à cheval. Derrière lui, à ses pieds, les bénatons vides sont empilés. Le bénaton est un panier à vendange. C’est une vannerie à arceaux en quart de sphère, fixés à une barre de bois avec une poignée à l’avant. Il a en général une hauteur de 33 cm, une longueur de 85 cm et une largeur de 52 cm[2]. Ce type de panier est propre à la Côte de Nuits et à la Côte dijonnaise, donc en usage à Fontaine. Chaque panier peut transporter une trentaine de kilos de raisin. L’avantage du bénaton sur les caisses en plastique actuellement utilisées, certes moins chères, plus maniables, plus commodes à empiler et à nettoyer, c’est que le raisin est ventilé à travers l’osier. De plus, si du jus coule, il est évacué, ce qui évite un début de fermentation avant d’amener la vendange au pressoir. Pour produire le vin d’une pièce (228 litres) soit 300 bouteilles, il faut remplir une dizaine de bénatons[3].

Sigrid Pavèse

[1] Littré écrit bénaton ; mais si on veut respecter la prononciation locale, il faudrait écrire benâton nous dit Gérard Taverdet. En effet, on dit bnâton.
[2] Musée de la Vie bourguignonne Perrin de Puycousin, Dijon. Inv. 78.33.15.
[3] Entretien avec Olivier Guignon, 1997.

Fontaine-lès-Dijon dans Le Bien public de 1959

En 1959, Fontaine est une commune qui atteint 2 224 habitants. En quatre ans, la population a augmenté de 28%. Malgré une urbanisation rapide, la ruralité est encore bien présente comme en témoigne un avis du maire aux cultivateurs, les avertissant qu’ils seront verbalisés si des dégradations causées par leurs instruments aratoires surviennent sur le chemin entre Ahuy et Fontaine qui allait être goudronné. Un arrêté rappelle également que l’usage des fusées d’artifice, pétards etc. est interdit en tout temps sur les fêtes et à leurs abords, dans une zone de 200 m autour des habitations, des hangars et des meules de paille, ainsi que sur les champs cultivés en céréales pendant les mois d’été.

En mars, les habitants ont renouvelé leur confiance au maire Léonce Lamberton qui entame son troisième mandat. Les 70% des habitants qui se sont déplacés ont voté pour lui à 77%. Un seul compte-rendu de conseil municipal, celui de novembre, est rapporté. C’est une sèche litanie de ratifications, de fixation d’indemnités, d’approbation de supplément de budget sans aucun développement. Il est question de budget, de démarches, d’adjudication pour les équipements scolaires, mais il est difficile au final de comprendre que les deux premières classes du groupe scolaire des Carrois sont ouvertes à la rentrée de septembre 1959, tandis que s’amorce la deuxième phase de construction du groupe scolaire des Saverney avec la mise en chantier de deux nouvelles classes. On sait que la commune est dotée de trois nouvelles bornes pour lutter contre les incendies et que la nécessité d’un terrain de sport se fait jour.

On retrouve sous la rubrique Fontaine les habituelles communications sur les fêtes, cérémonies, et le bal des pompiers. Il est à noter qu’à l’issue de la cérémonie du 11 novembre, le conseil municipal offre un goûter aux enfants et reçoit les assistants à la cuverie, route de Daix. Cette « salle de fêtes », connue surtout pour avoir été une discothèque, est un débit de boisson ouvert en juillet par la propriétaire de l’hôtel meublé des Cottotes. Les fêtes de saint Bernard sont mises à l’honneur avec une photo de la procession dans le parc et le récit des deux journées de manifestations religieuses : messes, processions, sermons… La foule était si dense qu’elle ne put être contenue dans la basilique  et qu’une partie des fidèles dut suivre les cérémonies à l’extérieur par le biais d’un haut-parleur. Il revint au chanoine Kir « avec la facilité d’élocution qu’on lui connaît » de clore ces fêtes.

Les faits divers sont marqués par l’éclatement dans le bas de Fontaine d’une canalisation d’eau de 70 cm de diamètre qui entraîne des perturbations dans la distribution pendant plusieurs jours.

L’actualité nationale transparaît à travers le communiqué de distribution de colis aux appelés fontainois servant en Algérie. La mention « comme chaque année » indique combien la guerre s’est banalisée. L’annonce de la quête au profit des victimes de la catastrophe de Fréjus s’accompagne de profonds sentiments de pitié et de la volonté municipale de favoriser l’élan de solidarité en faveur des sinistrés après que, dans la soirée du 2 décembre, le barrage de Malpasset au nord de Fréjus s’est rompu sous l’effet de pluies torrentielles, provoquant une vague d’eau et de boue qui a dévasté toute la vallée jusqu’à Fréjus. Cette catastrophe qui a fait 423 morts et 7 000 sinistrés a d’autant plus marqué les esprits, qu’elle s’est passée pendant que ceux qui avaient la télévision regardaient un spectacle de cirque avec le clown Zavatta, « La Piste aux Étoiles ». L’émission a été interrompue pour relater la tragédie et le choc émotionnel fut grand, déclenchant une forte compassion.

Sigrid Pavèse